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Apprendre avec le numérique : Mythes & Réalités
 

Amadieu, F. & Tricot, A. (2014)

Aux éditions Retz

 

 

Franck Amadieu, maître de conférence en psychologie cognitive à l’université Toulouse-II et André Tricot, professeur de psychologie à l’ESPE de Toulouse, s’interrogent depuis longtemps sur la valeur pédagogique du numérique au travers de leurs travaux. Tous deux chercheurs du laboratoire CLLE-LTC, ils nous font aujourd’hui part d’un état de l’art en ce qui concerne les technologies de l’apprentissage. Leur ouvrage se place du point de vue de l’apprenant et autopsie nos présupposés à propos d’un outil qui connaît un engouement chaque jour plus important - les nouvelles technologies, et il est sobrement intitulé Apprendre avec le numérique et nous rapporte « une réalité bien plus nuancée que notre imagination. » (p. 4)

Est-on plus motivé lorsqu’on apprend avec le numérique ?

 

En psychologie, la motivation s’observe au travers des comportements d’investissement et de persévérance. Au travers de la motivation, c’est donc l’intention d’utilisation d’un outil que l’on cherche à encourager chez l’apprenant. Pour arriver à faire cela, il faut prendre en compte un certain nombre de facteurs psychologiques dont dépendent les comportements motivés.

 

  1. Pour améliorer la motivation à apprendre, une situation d’enseignement doit laisser une certaine liberté d’action à l’apprenant, un sentiment de contrôle sur son enseignement. C’est pourquoi, dans le cas des serious games (les jeux pour apprendre), on peut obtenir de meilleures performances qu’en situation traditionnelle mais sans que la motivation des élèves soit impactée.
     

  2. Pour améliorer la motivation à utiliser le numérique, les outils mis à disposition des étudiants doivent être jugés utiles par ces derniers. C’est-à-dire que pour qu’ils utilisent le matériel pédagogique à leur disposition, celui-ci doit leur renvoyer un sentiment d’efficacité (il permet de mieux comprendre, d’apprendre plus vite etc.) et être facile à utiliser.
     

  3. Leur motivation à utiliser un outil, enfin, dépend de la pertinence de celui-ci en contexte. En effet, certains outils comme les tablettes tactiles par exemple seront plus adaptées à une tâche de lecture/compréhension qu’à une tâche de production/révision.

 

En conclusion, on retiendra qu’il n’est pas aisé de clairement susciter de la motivation à apprendre chez un étudiant et qu’il ne faut pas non plus confondre celle-ci avec l’intérêt que l’on éprouve face à la découverte d’un nouveau gadget technologique.

 

 

Est-ce qu’on apprend mieux lorsqu’on joue avec le numérique ?

 

Actuellement, les résultats de recherches tendent à montrer des effets positifs sur l’apprentissage à court et long termes, notamment des savoir-faire, lorsqu’on pratique les serious games. Pour autant, les jeux de simulation ne sont pas plus efficaces qu’un apprentissage actif se détachant du numérique si ce n’est qu’ils permettent de raisonner sur des situations inaccessibles autrement. Cela vient du fait que, lors de l’enseignement de savoir-faire, il est important que l’apprenant produise une activité pratique et obtiennent des retours sur son action ; encore une fois, cela n’est pas propre aux jeux numériques de simulation.

 

De manière générale, jouer à un jeu ne permet que d’apprendre à jouer à ce jeu ; cela est vrai sauf s’il possède un important scénario pédagogique qui permet un apprentissage autre que celui du jeu. Le secret réside donc dans la conception d’une situation d’enseignement cohérente à laquelle viendrait se greffer un jeu et non l’inverse.

 

 

Est-ce qu’on devient plus autonome lorsqu’on apprend avec le numérique ?

 

Pour répondre à cette question, nos deux chercheurs se sont tournés vers la notion d’apprentissage autorégulé, c’est-à-dire lorsque « l’apprenant décide quoi étudier, quelles ressources consulter, quelles activités mener, quand et comment » (p.27). En effet, face à des environnements numériques de travail toujours plus flexibles et diversifiés (de par leurs formes et leurs contenus) et où les enseignants sont de moins en moins présents, l’apprenant a la possibilité de suivre son propre parcours de formation avec des objectifs et des moyens qui lui sont personnels.

Un des moyens pour réussir un apprentissage autorégulé est la mise en œuvre de stratégies d’apprentissages diverses afin d’être convenablement organisé et capable d’optimiser ses performances. Or, il existe un certain nombre de compétences nécessaires à une telle adaptation comme par exemple être capable d’évaluer le temps nécessaire pour effectuer un devoir ou connaître son propre fonctionnement lors des révisions.

 

En bref, l’autonomie ne s’acquière pas lors de nos apprentissages en ligne mais est, au contraire, une compétence nécessaire pour les mener à bien dans un contexte exigeant.

 

 

Est-ce que nos apprentissages sont plus actifs avec le numérique ?

 

Etre actif, quand on est apprenant, c’est agir sur l’information ; or, le développement des TICE (pour Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement) nous permet une variété d’interaction avec notre environnement informatique. La manipulation des contenus mènerait l’étudiant à se questionner sur les effets de son action, à inférer les propriétés des objets présents dans cet environnement… bref, à solliciter sa contribution à son propre enseignement et à l’engager dans des processus de réflexion profonds (à opposer aux processus dits superficiels).

 

Ce que l’on sait c’est que pour engendrer des processus profond, on peut…

 

  • Elaborer de nouvelles connaissances sur la base de l’ensemble de nos recherches pour ainsi en traiter le sens,
     

  • Rapprocher des informations de différents formats (ex. texte et image) afin de se les représenter de différentes manières
     

Encore une fois, nul besoin de faire particulièrement intervenir un environnement numérique pour remplir le premier critère évoqué ici. D’ailleurs, Amadieu et Tricot rapportent une étude (celle de Mason, Lowe et Tornatora, 2013) concernant les animations numériques et dans laquelle trois groupes d’élèves se voyaient affectés à des tâches différentes, à savoir 1) dessiner ce qu’ils ont compris d’une animation, 2) recopier un dessin qui représente une étape de l’animation ou 3) ne rien faire ; le groupe ayant le mieux appris par la suite était le premier. Ce que nous apprennent ces résultats, c’est que la tâche de dessin – bien plus que l’animation – est le phénomène qui rend cet apprentissage actif, c’est-à-dire qui déclenche les processus de structuration de l’information en mémoire.

 

En conclusion, on retiendra que l’interactivité ne suffit pas à engendrer des apprentissages actifs chez l’étudiant et peut même, dans certains cas le détourner d’un apprentissage profond. Néanmoins, celle-ci peut « être pensée en lien avec les objectifs pédagogiques et les exigences qu’elles [les connections entre les informations] imposent ».

 

 

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